Partenariat Union d’Experts et CNRS

Face au risque sécheresse, l’Union fait la Force

Philippe MAHÉ, Président d’Union d’Experts Développement
Thomas LEBOURG, Professeur chercheur au CNRS, laboratoire GÉOAZUR

Union d'experts expertise d’assurance, de gestion de sinistres et de prévention des risques Saint Avertin Centre val de Loire - Philippe MAhÉ
Union d'experts expertise d’assurance, de gestion de sinistres et de prévention des risques Saint Avertin Centre val de Loire - Thomas LEBOURG

Le Groupe d’expertise d’assurances UNION D’EXPERTS a récemment annoncé son partenariat scientifique avec le cabinet GÉOAZUR et le CNRS sur le projet « PACK SÉCHERESSE ». Face à l’actualité de ce phénomène, la multiplication des arrêtés au cours de ces dernières années et la préoccupation légitime des acteurs de l’assurance face à la survenance de ce phénomène, Philippe MAHÉ et Thomas LEBOURG nous expliquent comment est né ce partenariat et quels sont ses ambitieux objectifs.

Philippe MAHÉ, la Sécheresse n’est pas un phénomène inédit pour les Experts d’assurances. Pourquoi Union d’Experts a sollicité le CNRS et quelle a été votre réflexion avant d’engager ce projet ?

Si la sécheresse est effectivement un phénomène connu des Experts, l’actualité climatique et l’ensemble des informations communiquées ces derniers mois sur ce sujet, démontrent que ce phénomène est en pleine croissance. Cette croissance est inquiétante à plusieurs titres, tant pour les occupants d’ouvrages affectés, que pour les assureurs les garantissant. Le volume de sinistres devrait connaitre en 2023 une évolution considérable nécessitant de notre profession une adaptation de ressources d’abord mais également de processus et de sécurité techniques afin de traiter au mieux ces dossiers au bénéfice de nos clients assureurs et de leurs assurés.

Parmi ces questions de processus et de sécurité techniques, il nous est apparu indispensable de partager notre expérience avec les scientifiques qui étudient ces mouvements de sol et à ce titre, quelle meilleure référence que le CNRS ?

Nous avons la chance d’entretenir avec le Professeur LEBOURG des relations privilégiées qui nous ont permis de travailler sur des processus innovants, issus de l’expérience et des travaux du cabinet GEOAZUR pour le CNRS. De ces travaux communs, combinés aux attentes fortes du secteur assurantiels et du législateur (Loi BAUDU), nous avons abouti à un double projet scientifique d’amélioration du diagnostic sècheresse et de sécurisation de la garantie d’une part (Projet DIAG SECHERESSE), et de prévention et d’écologie du traitement du sinistre d’autre part, par une réhydratation connectée des sols (Projet PASS SECHERESSE).

Pr. LEBOURG, vous et vos équipes étudient depuis des années des mouvements de terrain sur tous les continents, certains de plusieurs milliers de kilomètres ; qu’est-ce qui vous a intéressé à concentrer vos recherches sur ce phénomène précis du RGA (Retrait Gonflement des Argiles) dans le cadre de l’expertise d’assurance ?

Le défi de la métrologie est né il y a plus de vingt ans, lorsque la communauté scientifique s’est posée la question de l’observation des phénomènes telluriques et plus particulièrement les mouvements de terrain sur le long et le court terme. Dans le cadre de nos recherche (UCA-GEOAZUR-CNRS) nous avons développé de nouvelles technologies d’observations, en milieu hostile et nécessitant une autonomie énergétique et des capacités de communications vers nos laboratoires de recherche.

Nous avons instrumenté des glissements de terrain de plusieurs millions de mètres cube à travers le monde, dont l’objectif était entre autres de discerner et de quantifier les respirations d’une montagne en mouvement plus ou moins lent… alors, le pas de l’observation de nos territoires, de nos problèmes est devenu un nouvel enjeu pour mon équipe. Pour ma part, lorsque j’étais en Thèse dans mon laboratoire d’accueil à Bordeaux, j’ai été sensibilisé à la problématique des sècheresses et aux défis du génie civil et de la géotechnique pour comprendre et remédier à ce problème qui prend une ampleur de plus en plus grande, car étroitement lié aux changements climatiques et aux récurrences des sécheresses.

Depuis, quelques mois, nous avons grâce aux avancées spectaculaires de la miniaturisation, de la maitrise énergétique des capteurs, de la qualité des mesures, développé des outils dédiés d’une part à la recherche de pointe, mais aussi aux entreprises et aux bureaux d’étude en géotechniques… mais nous avions besoin d’un partenaire pour soumettre aussi nos technologies aux réalités du terrain quotidien et subissant les contraintes économiques.

Votre qualité d’Expert vous permet d’être proche de la réalité du terrain et de l’expertise. En toute connaissance, en quoi le PACK SECHERESSE est une solution innovante et à votre sens, en quoi peut-elle marquer un tournant dans l’expertise de ce phénomène ?

Pr. Th L : En effet, je dispose d’une double casquette, Chercheur et Expert au service de la justice, et c’est cette dernière fonction, qui m’a ouvert les yeux sur le gouffre technologique qui existe entre les moyens disponibles pour définir un phénomène, tel que la sècheresse et les moyens mis au service des experts pour aider la justice (ou le maître d’ouvrage) dans la résolution de la question de la force déterminante qui conditionne ou non un phénomène dit de catastrophe naturelle.

J’ai remarqué que la sémantique qui contrôle la décision judiciaire était défini par un canevas strict qui ne correspond pas toujours aux moyens de qualification d’un phénomène naturel… en effet, la sécheresse est souvent (98%) analysée à travers le prisme de la nature minéralogique du sous-sol et ce en un ou deux endroits, et cela est physiquement insatisfaisant…  Car qui dit sécheresse, dit phénomène de retrait et gonflement, alors nous avons pensé qu’il fallait en plus de l’analyse minéralogique faire une analyse physique du phénomène. Seul, le processus de retrait et gonflement peut dire si oui ou non nous avons affaire à de la sécheresse rétractante/gonflante…

En ce qui concerne le projet PASS-SECHERESSE, il reprend un autre programme de recherche (le projet MACH1) mais avec une mesure temps réel des paramètres contrôlant le processus de retrait et la possibilité d’injection contrôlée d’eau dans les phases préliminaires de retrait, grâce à des réseaux de capteurs que nous avons développés et cela avec une recherche d’optimisation du cout et de la qualité scientifique de la mesure.

Quelle est pour l’heure l’intérêt déclaré de vos clients assureurs sur ce projet et comment leur proposez-vous de s’y associer ? le volet « développement durable » de la solution Pass Sécheresse, est-elle par ailleurs pour vous un critère essentiel ?

Ph. M : Comme l’ensemble des projets techniques, scientifiques ou digitaux sur lesquels nous travaillons, nous proposons à nos clients de s’y associer selon l’intégration possible de ces travaux dans leur propre chaine de traitement du sinistre.

Sur ce sujet sensible de la SÉCHERESSE, il est effectivement acquis que l’évolution croissante de cette typologie de sinistre génère une attention et un intérêt tout particulier des assureurs.

S’agissant du volet écologique du projet, il est à notre sens d’un intérêt majeur. L’évolution des mentalités et des actions quotidiennes démontrent aujourd’hui une prise de conscience écologique généralisée à laquelle l’ensemble des acteurs de la société doit participer. Sans préjuger des caractéristiques des occupants d’ouvrage de demain ni du modèle d’occupation associé, il nous est apparu essentiel de proposer, quand cela est aujourd’hui possible et sans radicalité, des solutions réparatoires ou préventives, plus durables et plus écologiques.

Sur ce sujet sensible de la SÉCHERESSE, il est effectivement acquis que l’évolution croissante de cette typologie de sinistre génère une attention et un intérêt tous particuliers des assureurs.